Des chercheurs révèlent la véritable cause de la propagation du virus du Sida aux États-Unis
C’est confirmé : le steward canadien Gaëtan Dugas n’est pas le fameux « patient zéro » de l’épidémie américaine de Sida, celui qui aurait donc introduit le virus dans le pays. L’information, que l’équipe de Michael Worobey de l’Université d’Arizona a annoncé lors de la « Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections » à Boston en mars 2016, a été détaillée dans une publication dans la revue Nature le 26 octobre 2016. Accusé à tort depuis 30 ans d’avoir diffusé le virus dans le pays, le steward se voit réhabiliter par ces chercheurs qui ont retracé l’histoire de la propagation du virus aux États-Unis.
Le VIH a atteint New York plus tôt qu’on ne le pensait
Les premiers soupçons autour du steward canadien surgissent en 1982 alors qu’il participe à une étude sur les premiers Américains atteints du Sida menée par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Un lien entre 40 des 248 premiers cas de Sida diagnostiqués dans le pays et lui est alors établi. En 1987, le nom de Gaëtan Dugas est pour la première fois associé publiquement au virus du Sida, dans le livre And The Band Played On du journaliste américain Randy Shilts. Ce dernier relate l’histoire de la découverte et de l’expansion du VIH aux États-Unis et présente Gaëtan Dugas, mort du Sida trois ans auparavant, comme le « patient zéro », sa vie sexuelle « hyperactive » permettant la diffusion du virus aux quatre coins du pays… Une erreur – contestée par certains chercheurs – mais qui ne sera pas scientifiquement contredite en 30 ans… Jusqu’aux travaux parus en octobre 2016 par l’équipe de Michael Worobey. Celle-ci met donc fin à ce mythe grâce à l’analyse de la séquence génétique de souches virales présentes dans 2 000 échantillons sanguins collectés en 1978 et 1979 chez des hommes homosexuels et bisexuels de San Francisco et New York. Et à la comparaison avec la séquence du virus contenu dans un échantillon sanguin de Gaëtan Dugas collecté en 1983.
L’on apprend donc grâce à cette étude qu’après avoir quitté le continent africain et touché les Caraïbes à la fin des années 1960, le VIH a d’abord atteint la ville de New York vers 1970 puis San Francisco vers 1975 (voir la carte ci-dessous). Infecté entre 1975 et 1977, Gaëtan Dugas n’est donc pas celui qui a rapporté le VIH d’Haïti (où l’on sait qu’il s’est rendu dans ces années-là) à New York… Il n’a pas non plus facilité la propagation du virus aux États-Unis. En effet, le temps qu’il soit lui aussi infecté, il y avait déjà de nombreuses personnes touchées aux États-Unis, peut-être même des milliers… « Le VIH a activement circulé aux États-Unis, sans être repéré, dix ans avant la déclaration de l’épidémie en 1981 », expliquent les chercheurs dans un communiqué.
Une simple erreur de lecture sur une étiquette ?
Comme le relate le site d’information américain Stat News, les soupçons se seraient portés sur Gaëtan Dugas notamment à cause… d’une erreur typographique sur l’étiquette d’un échantillon sanguin ! En fait, les prélèvements du steward ont été réalisés en Californie. Si le patient n’était pas originaire de l’État, l’échantillon était étiqueté par la lettre « O » (pour « Outside of California »). « À cause d’une erreur d’étiquetage, le Patient O (comme la lettre) est devenu le Patient 0 (comme le chiffre) – et sa présentation comme la source de l’épidémie est restée dans la presse populaire », précise le site. Errare humanum est.
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