La mort soudaine et mystérieuse de l’homme fort du Tchad, Idriss Déby Itno sur le champ de bataille a jeté un grand doute sur la stabilité future du Tchad et de la région.
Au pouvoir depuis plus de 30 ans, le président tchadien Idriss Déby Itno (68 ans), ancien chef militaire, était un allié clé des puissances occidentales dans la lutte contre les groupes islamistes violents en Afrique de l’Ouest et au Sahel.
Certains commentateurs sont sceptiques quant à l’explication de l’armée tchadienne selon laquelle M. Déby est mort mardi des suites de blessures subies lors d’une bataille contre des rebelles du nord lundi. Ils soupçonnent qu’il a été tué lors d’un coup d’État militaire. Mais l’installation immédiate de son fils, le général quatre étoiles Mahamat Idriss Deby (37 ans), à la tête d’un conseil militaire de transition de 18 mois semble contredire la théorie du coup d’État.
Lire aussi: Tchad/ Qui a vraiment tué Idriss Déby et comment est-il mort ?
Les responsables sud-africains s’inquiètent du fait que les nouveaux dirigeants militaires ont suspendu le Parlement, bien que les généraux aient promis des élections « libres et démocratiques » à la fin de la transition.
Certains pays rappellent le personnel de leurs ambassades en raison de l’incertitude qui règne à la suite de la mort de M. Déby et de l’avancée des rebelles. Mais Pretoria estime qu’il y a peu de chances que les rebelles s’emparent bientôt de la capitale, N’Djamena, et n’a donc pas encore donné l’ordre à l’ambassadeur Titus Matlakeng et à son personnel de rentrer chez eux.
La mort de M. Déby a plongé le pays, la région et les alliés internationaux du Tchad dans le choc, un jour seulement après qu’il a été déclaré vainqueur des élections présidentielles très contestées du 11 avril, boycottées par une grande partie de l’opposition. Il devait entamer son sixième mandat.
Mais le jour même des élections, les rebelles du Front pour le changement et la concorde au Tchad ont lancé une attaque depuis leurs bases dans la Libye anarchique, au nord.
On ignore si le « maréchal » Déby, ancien chef militaire avant son arrivée au pouvoir, commandait effectivement les forces tchadiennes dans la bataille contre les rebelles ou s’il se rendait simplement sur le front pour observer les combats lorsqu’il a été blessé.
Lundi, l’armée avait revendiqué une « grande victoire » dans sa bataille contre les rebelles. Puis, mardi matin, le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, a annoncé la mort du président.
Le départ de M. Déby aura des répercussions bien au-delà de ce pays enclavé au milieu du Sahel. Il n’a cessé de renforcer son emprise sur le pouvoir pendant plus de 30 ans, depuis qu’il a renversé le dictateur brutal Hissène Habré en 1990.
M. Deby était l’acteur clé du G5 Sahel, une coalition de cinq États régionaux – le Tchad, le Niger, le Burkina Faso, le Mali et la Mauritanie – qui luttent contre l’extrémisme violent islamiste dans la région.
Il était l’allié majeur de la France, qui est le principal bailleur de fonds et soutien international du G5 Sahel.
« Ce que nous devons savoir, de manière cruciale, maintenant, c’est si son fils suivra ses traces », a déclaré un responsable sud-africain.
« Tout le monde est maintenant dans une position où il faut essayer de comprendre ce que cela signifie réellement », a convenu Chris Vandome, chargé de recherche du programme Afrique du groupe de réflexion Chatham House à Londres.
« Cela est dû en partie au fait qu’il n’y a pas eu de planification de la succession, que ce soit au Tchad ou à l’extérieur. On n’a pas réfléchi à ce qui allait se passer après Déby. Et cela est en partie dû au culte de Déby et à sa mainmise sur le pouvoir par l’utilisation de l’armée comme moyen de légitimer son régime auprès des puissances extérieures mais aussi pour garder une emprise sur le pouvoir en interne. »
M. Vandome est convaincu que « l’impact de cette affaire aura des répercussions internes et externes pendant longtemps. »
Bien que certains observateurs soupçonnent que la mort d’Idriss Déby Itno soit le résultat d’un coup d’État, Vandome pense que l’installation de son fils à la tête du nouveau conseil militaire au pouvoir laisse penser le contraire.
Une grande partie du rôle central du Tchad dans le G5 Sahel était centrée sur Déby lui-même et son contrôle de l’armée et de l’État « et de la construction du culte de Déby ».
Le Tchad était un État instable que le défunt président avait maintenu d’une main de fer, a affirmé Vandome. Mais son départ a soulevé des questions quant au maintien de l’intégrité de l’État.
Sa mort pourrait donner lieu à une politique de factions au sein de l’armée tchadienne, et à une politique de factions plus large au sein de l’État tchadien.
« Les partisans extérieurs du G5 se poseront des questions et devront réfléchir à l’état de leur engagement, l’un des principaux porte-drapeaux de cet engagement ayant disparu. »
Le Soudan voisin suivra également de près l’évolution de la situation au Tchad. M. Vandome a noté qu’une grande partie de l’insécurité au Tchad était due aux frontières très poreuses qu’il partage avec ses voisins.
Crédit photo : africareport