Stéphanie, 53 ans, séropositive, raconte « la double peine »
Si la recherche médicale a fait des progrès manifestes, les mentalités, elles, n’ont pas évolué à la même vitesse. Les personnes séropositives sont encore victimes de discriminations tenaces. Aux États-Unis, le « coming out » forcé de l’acteur Charlie Sheen au début du mois de novembre et les réactions très violentes à son encontre sont la preuve du chemin difficile qui attend chaque personne séropositive qui doit annoncer son statut sérologique.
L’association Aides a dévoilé un rapport inédit sur le sujet quelques jours avant hier mardi 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le Sida. « Les personnes vivant avec le VIH sont perçues comme des dangers », déplorait alors Aurélien Beaucamp, président de l’association de lutte contre le sida. Aides dresse un « panorama, souvent glaçant, de dysfonctionnements qui perdurent, de lacunes administratives, de failles juridiques, d’abus de pouvoir, et de discriminations institutionnalisées dont le lit est bien cette façon, particulière et détestable, de considérer le VIH/sida comme une maladie ‘à part' ».
« Elles m’ont traitée de ‘criminelle »
C’est bien ce sentiment qu’éprouve Stéphanie, 53 ans, lorsque, elle constate: « quand quelqu’un annonce qu’il a le cancer, on le plaint. Pourquoi serait-ce différent pour nous? Être séropositif, c’est plus qu’une double peine. » Cette mère au foyer suit désormais les conseils de son médecin traitant, ne pas mentionner son statut sérologique sauf si les circonstances l’exigent. Stéphanie est séropositive depuis 1993 après une relation avec un homme lui-même séropositif qui ne l’avait pas prévenue.
Vingt-deux ans après, Stéphanie a eu la chance d’être bien entourée de sa famille et de ses quelques amis pour ne pas avoir à souffrir de la solitude. Au niveau professionnel, la situation a été bien plus compliquée, Stéphanie a travaillé pendant quelques années dans une petite usine d’une trentaine d’employés dont certaines étaient au courant de sa séropositivité « pour éviter toute contamination en cas d’accident », explique-t-elle. « Nous devions partager des gants anti-chaleurs pour certaines opérations, se souvient-elle. J’ai souvent vu une collègue mettre un coup de ventilation dans le gant à chaque fois qu’elle devait l’enfiler après moi. Au bout d’un moment, j’ai compris qu’elle craignait d’être contaminée », explique-t-elle, incrédule.
Mais le plus difficile à gérer pour cette mère de quatre enfants fut sa dernière grossesse en 2003. « Quand certaines filles avec qui je travaillais l’ont su à l’usine, elles m’ont traitée de ‘criminelle' ». Stéphanie a finalement décidé de démissionner. Malgré ça, les discriminations ont continué. Le milieu médical ne l’a pas épargnée. Quand elle a annoncé sa grossesse à sa médecin traitante, celle-ci lui a dit que c’était « une catastrophe ». Or, comme le rappelle l’OMS, le risque de transmission mère-enfant tombe à un peu plus de 1% si l’on administre des médicaments antirétroviraux aux mères et aux enfants à tous les stades où l’infection peut se produire. Aidée par son immunologue, Stéphanie a finalement pu mener une grossesse normale grâce à un protocole médical adéquat. Son fils, âgé de 12 ans, n’est pas séropositif.
Protéger son fils du regard des gens
À la maternité, l’équipe soignante a tenu à porter un masque sur le visage à chaque fois qu’elle devait entrer dans la chambre de Stéphanie et à doubler les gants lorsqu’il devait lui pratiquer un soin. « Un jour, je n’ai pas prévenu l’une des infirmières que j’étais séropositive alors que je le faisais à chaque fois. Quand sa collègue s’en est rendu compte, elle s’est énervée contre moi. C’est pourtant une information écrite dans mon dossier médical et l’infirmière en question avait bien mis une paire de gants », s’indigne encore Stéphanie.
Son passage à la maternité semble avoir été émaillée de mises à l’écart de la sorte. Son fils aussi en a pâti. Stéphanie raconte ainsi qu’elle devait attendre que les mères aient terminé le bain de leur enfant pour qu’elle puisse donner le sien à son nouveau-né. « La situation s’améliore », assure cependant la mère de famille. « Aujourd’hui, quand je fais mes prises de sang, les infirmières ne portent pas forcément de gants. ‘Ça ne va pas me sauter au visage’, me disent-elles quand je les interroge. »
Ses craintes concernent désormais son fils. C’est pour lui qu’elle demande à témoigner de manière anonyme. « Je veux le protéger du regard des gens. Pour l’instant, il ne sait pas que je suis séropositive, mais je vais bientôt lui dire », promet-elle un peu inquiète. D’ici là l’image des personnes séropositives se sera, il faut l’espérer, encore améliorée.
Source : huffingtonpost.fr
Photo d’illustration