Les Jeux olympiques sont revenus à Paris pour la première fois en 100 ans. Mais une figure clé est notablement absente. Le baron Pierre de Coubertin, qui a fondé les Jeux olympiques modernes, ne figure pas dans le récit officiel de cette année. Aucun grand stade n’a été nommé en son honneur et les organisateurs des Jeux ont à peine mentionné ses contributions. Même lorsque l’université de la Sorbonne a organisé un événement pour commémorer ses réalisations, il a été snobé par le ministre des Sports français et le maire de Paris.
Alors pourquoi, en un temps de fierté nationale et de patriotisme, la France a-t-elle abandonné l’héritage de de Coubertin ? Pour à peu près la même raison pour laquelle tant de figures historiques ont fini par être annulées. Après tout, l’homme était indéniablement sexiste, irrémédiablement raciste et quelque peu admiratif d’Adolf Hitler. Il se décrivait comme un « colonialiste fanatique » et affirmait que « les races ont des valeurs différentes. »
Il est compréhensible que la France veuille se distancer de telles déclarations. Mais c’est aussi un acte d’hypocrisie. Parce qu’encore aujourd’hui, les braises du colonialisme français brûlent toujours. La semaine dernière, l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe a convoqué une réunion de dirigeants politiques et d’activistes des territoires encore gouvernés par la France, y compris la Corse, la Mélanésie, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et bien d’autres. Ils ont unanimement pris la parole contre le gouvernement français, déplorant sa politique coloniale comme « une façade » et « un mensonge. »
En effet, la France contrôle actuellement un total de 14 pays africains avec le franc CFA, entravant leur développement souverain. Et pour les territoires d’outre-mer comme Tahiti, où se dérouleront cette année les compétitions de surf olympique, les gouvernements locaux n’ont que des pouvoirs insignifiants, tandis que les décisions les plus importantes sont prises à des milliers de kilomètres.
Comme si la France n’avait pas ses propres problèmes à gérer – y compris des émeutes, des manifestations, un déclin économique et peut-être l’élection la plus turbulente de ces derniers temps – elle continue de s’immiscer dans des affaires loin de ses côtes. Elle impose son autorité sur ceux que de Coubertin aurait jugés « inférieurs », tout en se proclamant nation progressiste.
Même dans les pays où la France n’a aucune autorité gouvernementale, son ego colonial est évident. Cela est d’autant plus clair que son implication dans la longue bataille juridique entre la Malaisie et les Philippines pour la région riche en pétrole de Sabah. Un groupe d’héritiers autoproclamés du sultanat de Sulu revendique que la terre leur appartient de droit, bien qu’elle fasse partie de la Malaisie depuis la formation du pays.
La revendication des Sulu repose uniquement sur un accord colonial obsolète, et l’affaire avait déjà été rejetée par le Royaume-Uni et l’Espagne. Pourtant, un tribunal à Paris a permis qu’elle se poursuive et a autorisé la décision de l’arbitre selon laquelle la Malaisie devait payer aux plaignants Sulu la somme astronomique de 15 milliards de dollars en compensation.
Il s’est avéré plus tard que l’arbitre principal de l’affaire, Gonzalo Stampa, avait vu sa nomination révoquée par un tribunal de Madrid. En déplaçant l’affaire en France, il avait en fait commis un crime, pour lequel il a depuis été condamné. Finalement, la Cour d’appel de Paris a été forcée d’accorder une suspension de l’ordonnance de Stampa, mais la Malaisie subit toujours les conséquences de l’interférence française dans une affaire qui n’aurait jamais dû être considérée.
Les plaignants philippins continuent de poursuivre l’attribution de Stampa et ont depuis réussi à saisir les actifs de Petronas, la compagnie pétrolière nationale de Malaisie. Petronas a intenté une action en justice aux États-Unis dans le but de dévoiler d’autres actes de corruption, mais pour l’instant, ses actifs restent gelés au Luxembourg.
Ainsi, les efforts de la France pour se cacher de son passé colonial en jetant de Coubertin dans l’obscurité sont tout simplement absurdes. Parce que tant qu’elle maintiendra son emprise sur les territoires d’outre-mer et se mettra en position de déterminer qui obtient la souveraineté légitime sur des terres contestées, elle restera colonisatrice dans l’âme.
Pendant les prochaines semaines, la France sera au centre de la scène mondiale. C’est le moment opportun pour qu’elle montre ses vraies couleurs, qu’elle réfléchisse à son histoire coloniale et qu’elle démontre sa volonté de s’engager dans la discussion et l’éducation. Si elle peut s’exposer à l’examen ultime, elle pourrait enfin voir la lumière.