« Ils m’ont emballé comme un colis » : un Camerounais raconte comment il a été expulsé de Turquie (vidéo)
Emmanuel Fosso Someon Chedjou, un Camerounais de 47 ans, a été victime d’un traitement qui fait couler les larmes.
Il a été emballé dans des rouleaux de film en plastiques et embarqué dans un avion pour expulsion de la Turquie. Des vidéos de cet incident (à bord d’un vol de Turkish Airlines) devenues virales sur les médias sociaux ont suscité une vague d’indignation.
Une première vidéo montre le moment où Emmanuel Fosso a commencé à protester contre son expulsion. La scène a été filmée par sa compagne qui se trouvait non loin.
La deuxième vidéo montre comment trois hommes commencent à lui retirer le film plastique qui entoure son torse après l’intervention de certains passagers à bord de l’avion.
Le passager avait été menotté à l’aide de Sangles en plastique noir au niveau des poignets et de menottes aux chevilles. Par-dessus, ses vêtements ont été rajoutées des couches de film plastique.
Contacté par la rédaction des Observateur de France 24, Emmanuel Fosso, un marchand de chaussures à Douala, a raconté le récit des faits.
« Je voulais me rendre à Dubai avec ma compagne pour acheter un stock de chaussures et j’ai fait appel à une agence de voyage pour tout préparer. C’était ma première fois et j’ai compris trop tard que je m’étais fait arnaquer. Le vol pour Dubaï passait par Istanbul avec une escale de 8 heures, c’était le 21 janvier. Quand nous sommes arrivés ma compagne est restée dans la zone de transit et j’ai voulu sortir de l’aéroport pour faire une course, vu que notre temps d’attente était très long. Arrivé au contrôle des passeports, on m’a dit que mon visa de transit était un faux et on m’a arrêté. On m’a emmené dans une sorte de centre de détention et j’ai retrouvé là-bas ma compagne qui avait été arrêtée entre temps.On m’a confisqué mon téléphone et on m’a demandé de signer des papiers que je ne pouvais pas lire puisqu’ils étaient en turc. J’ai aussi demandé à parler à un avocat et les officiers qui étaient là ont refusé.
Je ne savais pas exactement qui étaient ces officiers, si c’étaient des policiers, des gendarmes ou des agents de sécurité. Ils ne portaient pas d’uniformes.
Deux jours plus tard, ils ont voulu me déporter une première fois, le 23 janvier. J’ai protesté en disant que je voulais poursuivre mon voyage vers Dubaï et les officiers m’ont frappé. Un fois arrivé sur la passerelle de l’avion, j’ai protesté à nouveau et crié. À ce moment-là, l’équipage et le pilote de Turkish Airlines sont sortis et ont refusé de me prendre à bord. Ils ont demandé à ce que je sois pris en charge par le HCR.
Mais il n’en a rien été.
J’ai continué de subir des tabassages et des menaces pour que je rentre dans mon pays. Le 28 janvier vers 13 h ils sont venus me chercher pour me rapatrier sur un vol vers Yaoundé, au Cameroun. J’ai protesté à nouveau et cette fois ils m’ont mis dans une pièce spéciale.
Il y avait une dizaine d’officiers et ils s’y sont mis à plusieurs pour me maîtriser. Ils ont d’abord mis des sangles en plastique à mes pieds et à mes poignets, puis de véritables menottes en métal. Ensuite ils ont rempli ma bouche de mouchoirs et l’ont fermée avec du scotch.
Enfin, ils ont pris deux grands rouleaux de film plastique, ceux qui sont utilisés dans les aéroports pour emballer les valises. Ils m’en ont mis des couches et des couches du cou jusqu’aux pieds, si bien que c’était absolument impossible de bouger. À ce moment-là, j’ai vraiment commencé à avoir du mal à respirer.
Trois d’entre eux m’ont mis dans un fauteuil roulant et m’ont emmené dans un avion qui partait pour Yaoundé. À l’intérieur ils m’ont porté comme un colis jusqu’à mon siège.
Quand les passagers étaient tous installés et qu’il restait environ 15 minutes avant le décollage, j’ai réussi à cracher les mouchoirs qui étaient coincés dans ma bouche et j’ai pu crier à l’aide.
Les passagers ont tout de suite réagi quand ils m’ont vu et ont protesté pour qu’on me libère de tout ce plastique. Ma compagne était dans l’avion elle m’a vu ainsi et a pris deux vidéos pour garder des preuves.
Mes habits s’étaient déchirés quand je me battais avec les policiers et j’ai demandé à récupérer mon bagage à main pour me changer. Dans la poche de mon jean déchiré, que j’avais laissé sur mon siège, il y avait 2 400 euros en liquide que j’avais pris pour commercer à Dubaï. Quand l’officier m’a rendu le pantalon, les poches étaient vides. »
Crédit photo : akahinews