Le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, ressemble à bien des égards à n’importe quel autre dirigeant autoritaire qui prolonge son séjour au pouvoir et dirige son peuple avec une main de fer.
Mais M. Mbasogo est aussi très différent, en ce sens qu’il est soupçonné par des gens du pays et de l’étranger d’être un cannibale. Aussi étrange et bizarre que soit cette accusation, elle semble être tenue avec un certain sentiment de certitude en dépit de son caractère infondé.
Les croyances, les discussions et les accusations sur le cannibalisme en politique sont étonnamment courantes dans l’histoire politique africaine post-coloniale. Le célèbre Idi Amin d’Ouganda n’a jamais nié les affirmations qu’il était un cannibale.
Au Liberia, les chefs de guerre qui ont combattu lors des deuxième et troisième guerres civiles se sont souvent vantés de consommer la chair de leurs ennemis comme un rite métaphysique de domination et de suprématie. En Afrique centrale et orientale, les hommes politiques sont connus pour rendre visite aux sorciers afin de manger de la chair humaine, notamment celle d’une personne atteinte d’albinisme, pour avoir de la chance aux élections.
Mais quand et comment les histoires de cannibalisme supposé de Mbasogo ont-elles commencé ? Et comment a-t-elle été popularisée ?
Severo Moto, qui était à la tête de l’opposition la plus redoutable de Guinée équatoriale, le Parti du Progrès, a déclaré en 2004, dans une interview accordée à une radio espagnole, que le président Mbasogo « venait de dévorer un commissaire de police. »
« Je dis dévoré parce que ce commissaire a été enterré sans les testicules et le cerveau. Il (le président) veut que je rentre en Guinée… [pour qu’il] me mange mes testicules », a poursuivi Moto, sans apporter la moindre preuve de son accusation.
Après celle de Moto, d’autres accusateurs ont été cités dans les médias occidentaux avec des récits similaires d’activités effrayantes du président Mbasogo. Ils ont dit que le président était convaincu qu’il doit manger la chair des personnes tuées afin d’augmenter ses prouesses sexuelles et de prolonger sa vie.
Le président Mbasogo n’a pas toujours été un paria international encensé par les médias.
Après avoir pris le pouvoir lors d’un coup d’État sanglant en 1979, le président s’est montré favorable aux intérêts de l’argent occidental en libéralisant l’exploration et l’extraction du pétrole dans son pays. Cela semble avoir suffi pour obliger des pays comme la France et les États-Unis à fermer les yeux lorsque Mbasogo traitait son peuple avec la brutalité dont il est accusé.
Au début de ce siècle, cependant, les médias ont commencé à s’intéresser à la Guinée équatoriale. Les affirmations faites dans l’interview du leader de l’opposition en 2004 ont alors trouvé un terrain fertile – les voix les plus fortes et des oreilles attentives.
Cela ne veut pas dire que le président Mbasogo est irréprochable ; Transparency International a déclaré un jour que son pays était « trop opaque » pour être évalué sur le plan de la bonne gouvernance. Par sa seule force, il a réussi à maintenir les lumières éteintes sur son règne de quarante ans et à faire taire les dissidents.
Il semblerait que le fait de rester dans l’obscurité pendant si longtemps signifie que Mbasogo en est venu à ressembler à tout ce qu’on peut imaginer de mal.
Crédit photo : theindependent