Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a appelé dimanche l’Espagne à éviter un «pourrissement» de la crise engendrée par l’accueil de Brahim Ghali, leader du Front Polisario, et à rétablir le partenariat stratégique entre les deux pays, notamment en matière de coopération migratoire.
Rabat affirme que le chef du mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par Alger a voyagé de manière «frauduleuse», «avec un passeport falsifié», et demande une enquête «transparente» sur les conditions de son arrivée, que Madrid justifie par «des raisons humanitaires» ».
L’affaire a dégénéré en crise lorsque les forces marocaines ont assoupli leurs contrôles aux frontières plus tôt cette semaine, permettant à 10 000 Marocains rêvant d’émigrer vers l’Europe de pénétrer dans l’enclave espagnole de Ceuta.
Permettre à M. Ghali «de rentrer chez lui, contourner la justice espagnole et ignorer les victimes serait un appel à la pourriture», a souligné M. Bourita dans un entretien avec l’AFP.
Selon lui, éviter cette «pourriture» nécessite une enquête «transparente» sur les conditions de son entrée en Espagne et «sur l’examen des plaintes à son encontre» pour «torture», «violations des droits de l’homme» ou «disparition forcée».
«C’est un test pour le partenariat stratégique» entre les deux pays, notamment en termes de lutte contre la migration illégale, a-t-il souligné.
«Le bon voisinage n’est pas une voie à sens unique», a-t-il dit, soulignant que le Maroc «n’est pas obligé de protéger les frontières» mais le fait dans le cadre de ce partenariat.
Depuis 2017, le royaume «a démantelé plus de 4 000 réseaux et bloqué 14 000 tentatives irrégulières» tandis que la contrepartie financière de l’Europe, «une moyenne de 300 millions d’euros par an » ne représente pas 20% »de ce qu’il dépense.
La justice espagnole a rouvert cette semaine une affaire contre M. Ghali pour «crimes contre l’humanité» après une ancienne plainte déposée par une association sahraouie l’accusant de «violations des droits de l’homme» sur des dissidents dans les camps de Tindouf (ouest de l’Algérie).
Le fonctionnaire de 75 ans, hospitalisé en avril à Logroño (nord) après avoir contracté la Covid-19, avait déjà été convoqué le 1er juin pour une plainte pour «torture» déposée par un dissident naturalisé du Polisario espagnol.
Le Polisario fait campagne pour l’indépendance du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole contrôlée en grande partie par le Maroc, qui propose l’autonomie sous sa souveraineté.
Après près de 30 ans de cessez-le-feu, les hostilités ont repris à la mi-novembre après le déploiement des troupes marocaines dans une zone tampon à l’extrême sud du territoire pour déloger les combattants indépendantistes bloquant la seule route vers l’ Afrique de l’ Ouest .