L’Assemblée Générale des Nations Unies qui s’ouvre dit vouloir tabler sur le futur du monde. Il s’agira donc de réfléchir sur des réformes visant à mieux structurer la faitière internationale. Afin qu’elle puisse cadrer et répondre aux aspirations de tous les Etats-membres. Pour l’Afrique, c’est aussi un tournant. Dans un contexte où sa voix ne pèse absolument rien au Conseil de Sécurité et dans bien d’organes décisionnels, que lui reste-elle à faire ? Au plan sécuritaire par exemple, il est à se demander l’utilité de l’ONU pour l’Afrique ?
Alors que le monde discute de la réforme du Conseil de sécurité et de la place de l’Afrique à l’ONU, une vérité lancinante s’impose à tous. Aujourd’hui, l’organisation mondiale doit mieux refléter la multipolarité grandissante du monde. Dans ce contexte, les questions d’équité et de démocratie constituent des garanties de stabilité.
Selon Parfait Onanga-Anyanga, représentant spécial du secrétaire général auprès de l’Union africaine et chef du Bureau des Nations unies, l’Afrique doit, par conséquent, avoir voix au chapitre en apportant sa contribution non plus uniquement sur les sujets qui la concerne, mais également sur les thématiques transversales telles les pandémies, le terrorisme ou encore le changement climatique.
Si d’après ce haut fonctionnaire onusien, la communauté internationale reconnaît bien qu’aucun pays ni aucune région ne peuvent à eux seuls résoudre les grands enjeux de ce monde, alors, à la table de la grande famille de l’humanité, il faut s’assurer que l’Afrique apportera dorénavant sa contribution.
Mais comment le continent africain peut-il peser sur la politique mondiale s’il demeure le parent pauvre de l’ONU ? En effet, à l’ONU, l’Afrique ne pèse rien et ne décide de rien. L’Afrique est le continent le moins représenté au sein des institutions qui ont émergé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. « Nous sommes désormais au XXIe siècle et cette injustice historique persiste car la majorité des États africains n’étaient pas présents lors de la conférence de San Francisco où est née l’ONU en 1945 », reconnait le représentant du SG de l’ONU.
Qui ajoute que « la réforme qui est intervenue en 1965 a seulement permis l’élargissement du nombre de membres non-permanents au sein du Conseil de sécurité, qui a la primauté du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde.
Au vu de plusieurs constats, l’Afrique ne devrait pas continuellement rêver en croyant que l’ONU pourrait véritablement gérer les opérations de maintien de la paix et de sécurité. L’histoire lointaine et récente des missions onusiennes en Afrique en témoigne. Avec plusieurs opérations de paix en Afrique, l’ONU a connu une débâcle sanglante en Somalie, a assisté au génocide au Rwanda, et q échoué aussi en Angola.
A cela, il faut ajouter l’inaction de l’ONU dans les guerres civiles au Libéria, en Sierra Leone, au Congo-Brazzaville ou au Burundi. En RDC, l’ONU qui y a sa plus grande mission au monde patine. Pour être trivial, l’ONU se cherche et l’est de la RDC en toujours en proie à l’instabilité. Pourtant en 2018, un rapport montrait que, depuis 1999, les Nations Unies avaient dépensé 15 milliards de dollars en RDC sans parvenir à neutraliser les groupes armés.
La Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a connu une fin sans gloire dans la mesure où les nouvelles autorités maliennes ont estimé que celle-ci ne servait pas véritablement à combattre le terrorisme et ramener la paix.
« Le renvoi brutal de la Minusma a conduit les membres du Conseil à reconsidérer le sort des autres missions de grande envergure sur le continent, reconnait dans un rapport paru en septembre 2023, l’International Crisis Group. Cet organisme ajoute que les missions de l’ONU au Mali, en RDC (Monusco), en République centrafricaine (Minusca) et au Soudan du Sud (Minuss) sont confrontées à des défis similaires à ceux de la Minusma.
L’année dernière, c’est le patron de l’ONU en personne qui reconnaissait l’inaction et l’inefficacité de l’ONU dans la prévention et la gestion des conflits en Afrique. Interrogé sur la nouvelle guerre au Soudan, le SG de l’ONU a déclaré au Kenya : « Nous pouvons dire que nous avons échoué à empêcher la guerre, qui a pris l’ONU par surprise ».
Au moment où s’ouvre cette importante Assemblée générale de l’ONU, on ne sait pas vraiment ce que le Sommet de l’avenir pourrait apporter, ni même quel niveau d’ambition les Etats devraient avoir à cet égard estime certains. En avril, un conseil consultatif de haut niveau sur le multilatéralisme efficace, convoqué par le secrétaire général, avait appelé le sommet à élaborer une « nouvelle définition de la sécurité collective », reposant sur une réforme du Conseil de sécurité et un effort international d’abolition des armes nucléaires.
Quelle marge de manœuvre pour l’Afrique dans un tel contexte ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’Afrique n’a pas toujours croisé les bras en attendant d’être secourue. Elle a souvent pris des initiatives. Selon une étude publiée par le Centre d’Etudes stratégiques de l’Afrique en août 2023, l’Afrique essaie d’agir. Depuis l’an 2000, note le rapport, 38 opérations de paix dirigées par l’Afrique ont été autorisées et déployées dans 25 pays. L’Union Africaine a autorisé et financé 22 missions au total sur ces 25.
Le rapport poursuit en indiquant que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en a autorisé 6, suivie par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) (4), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) (2), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) (2) et les États membres de l’Initiative d’Accra, de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) et de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) (1).
Certaines opérations de paix menées par les Africains ont réussi à résoudre des conflits armés. Ce fut le cas de l’une des premières grandes interventions menées par l’Afrique dans les années 2000, la mission de la CEDEAO au Liberia (ECOMIL), se félicite le Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique.
Déployée au Liberia le 9 septembre 2003, trois semaines après la signature d’un accord de paix global, elle a pu stabiliser la situation après la chute de Charles Taylor. Ensuite, 6 des 17 opérations de paix menées par l’Afrique au cours de la dernière décennie ont été mandatées pour lutter contre des groupes islamistes militants au Sahel, en Somalie, dans le bassin du lac Tchad, en République démocratique du Congo et au Mozambique. Avec des succès mitigés mais la volonté d’agir est là.
Le Sommet pour l’avenir qui se tient ouvre des perspectives pour l’Afrique. Qui devra essayer d’unir ses forces afin de parler d’une seule et unique voix. Ce sentiment d’unité pour peser d ans le concert des nations, surtout au niveau du Conseil de sécurité, est matérialisé par l’instauration du « C-10 », un Comité de dix pays, dont la mission est de porter le plaidoyer pour une représentation équitable de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité et de la communauté internationale.
Le C-10 travaille sur les actions de fourmi menées depuis 2015-2016 par l’A3, un groupe de 3 pays africains au sein de l’ONU qui fait pression pour que le Conseil convienne d’un cadre pour les futurs accords de financement ONU-UA d’ici fin 2023. Sur la question du financement, l’Afrique ne devrait pas se leurrer. Si l’ONU échoue dans ses propres missions avec ses moyens colossaux, ce n’est pas à l’Afrique qu’elle fera la passe. Pour être encore plus décrédibilisée.
Pour relever les défis sécuritaires de l’Afrique, il va falloir changer certains paradigmes et prendre le taureau par les cornes. En effet, l’Afrique ne peut pas se permettre de toujours tendre la main à l’extérieur pour financer ses opérations de maintien de la paix. Cela s’est vu avec le défunt G5 Sahel, une initiative dite africaine mais totalement dépendante de l’Union européenne au plan financier.
A ce niveau, il faut encourager l’opérationnalisation des forces africaines en attente et le Fonds pour la paix financé par un prélèvement de 0,2 % sur les importations de l’Union africaine. A présent, seulement 250 millions de dollars sur les 400 millions prévus ont été collectés. Il faut continuer l’effort. Pour relever le niveau du Fonds lui-même et faire rentrer les cotisations des Etats. Enfin, le Centre des Etudes Stratégiques de l’Afrique pense qu’en plus du soutien financier proprement africain, les opérations de paix menées par l’Afrique doivent être mieux alignées sur les efforts civils et locaux de gestion des conflits.