Décès, viols présumés et économie : pourquoi les manifestants sénégalais exigent-ils le départ de leur président ?
Ce qui a commencé mercredi par des protestations contre l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko dans la ville de Bignona, dans le sud du Sénégal, dans la région de Casamance, s’est maintenant étendu à d’autres régions du pays, alors même que la cause de la protestation a évolué.
Ousmane Sonko, 49 ans, du parti Pastef, a été arrêté par les autorités après qu’une masseuse d’un salon de beauté l’a accusé de viol et de menaces de mort. Mais ses partisans ont des doutes sur la véracité des allégations et ont pointé du doigt le président Macky Sall, 59 ans, comme étant à l’origine des accusations de la jeune femme.
Macky Sall a nié avoir comploté pour faire arrêter Sonko, décrivant les accusations de la jeune femme comme quelque chose qui provient d’une « affaire personnelle ». Mais la défense du président s’est manifestement révélée inefficace face à ce qui semble être une animosité et une méfiance profondes à l’égard de son administration.
M. Sonko était troisième lors des élections de 2019, au cours desquelles Macky Sall a remporté un second mandat, mais maintenant, l’homme politique arrêté est considéré comme la plus grande menace de Macky Sall. Idrissa Seck, le candidat qui était deuxième derrière Macky Sall, a rejoint le gouvernement du président, assumant le rôle de chef du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Cette alliance entre M. Seck et Macky Sall n’est pas la première entre les deux hommes qui étaient dans le cercle proche de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Après avoir promis, avant les élections de 2012, de réduire la durée d’un mandat de sept à cinq ans et d’appuyer la limitation à deux mandats, Macky Sall est revenu sur sa promesse lorsqu’il a remporté les élections pour la première fois. Il a renvoyé la question au Conseil constitutionnel – qui est nommé par le président – pour qu’il se prononce sur la durée et la limitation des mandats. En 2016, le Conseil a alors décidé qu’un référendum dont les résultats n’affecteraient pas le premier mandat de sept ans de M. Sall devait être organisé.
Plus de 60 % des Sénégalais qui ont voté lors du référendum de 2016 ont choisi une limite de deux mandats pour le président, de cinq ans chacun. La décision prise par le peuple est entrée en vigueur après les élections de 2019. Cela permet donc à Macky Sall de briguer un troisième mandat, le même problème qu’il avait évoqué en 2012 avec Abdoulaye Wade.
Le Sénégal est l’une des rares démocraties africaines stables et le pays n’a jamais connu de coup d’État. Mais les manifestations actuelles, soutenues par les partis politiques de l’opposition et certains membres de la société civile, sont les pires depuis des années. Le samedi 6 mars, cinq personnes ont été tuées et de nombreux manifestants et policiers ont été blessés. Ce qui a commencé comme un appel à la libération de Sonko est maintenant une question socioéconomique comme on le voit clairement sur les pancartes et les affiches des manifestants. Le chômage est élevé au Sénégal, tandis que les tensions provoquées par la COVID-19 ont dévasté le secteur informel.
En attendant, M. Sonko, ancien inspecteur des impôts licencié par Macky Sall, peut compter sur le soutien du mouvement « Yen a Marre » (Assez, c’est assez), un grand groupe de jeunes manifestants. M. Sonko a été surnommé « le Trump du Sénégal » en raison de sa tendance à attribuer les luttes de la population à des accords prétendument médiocres conclus entre les dirigeants nationaux du Sénégal et les partenaires de développement.
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