Coup d’Etat du 24 décembre 1999/ Révélations Exclusives sur les deux hommes qui ont fait tomber Bédié
C’est un autre angle, un autre prisme, une autre compréhension de l’histoire du fameux coup d’Etat de décembre 1999. Un putsch qui a vu l’éviction du président Bédié du pouvoir. Selon le Conseiller de Laurent Gbagbo, le français Bernard Houdin, ce pronunciamiento a été préparé et exécuté par deux hommes: Un homme politique et un PDG d’une société de ramassage d’ordures. Révélations !
Il s’en est toujours défendu, mais l’accusation demeure contre lui. Alassane Ouattara, actuel chef de l’Etat ivoirien aurait pris une part active dans le mouvement qui a conduit à la chute de Bédié le 24 décembre 1999. C’est ce qu’écrit un français. Mais, il y a une personne dont le nom n’est jamais revenu dans les récits de ce coup: Hamed Bassam.
Pourtant, l’ex-PDG de la société ASH international est peut-être celui-là même qui a signé l’arrêt de mort du pouvoir PDCI. Grotesque peut-être ? Que non, si l’on se réfère aux révélations d’un de ses proches, un de ses hommes de confiance, qui deviendra… le conseiller de Laurent Gbagbo pour les questions de salubrité de la ville d’Abidjan: Bernard Houdin.
Dans son livre « Gbagbo, un homme, un Destin », paru en 2019, le français fait des révélations. A l’en croire, le coup d’Etat de 1999 est la conjonction de deux faits. Les ambitions politiques de Ouattara et la double frustration de Hamed Bassam par Bédié.
En effet, après avoir obtenu en 1992 le marché de la salubrité de la ville d’Abidjan, Hamed Bassam veut agrandir son empire en glanant le marché des télécoms par l’acquisition de Côte d’Ivoire Télécom. En 1997, c’est l’actuel président de la Commission de la CEDEAO, Jean- Claude Brou, alors directeur de cabinet de Duncan, premier ministre de Bédié, qui lui annonce qu’il est disqualifié pour CI Télécom. France Télécom rachète alors CI Télécom.
« En ma qualité de Conseiller Spécial d’Hamed Bassam, j’ai vécu cette affaire au jour le jour et je peux témoigner qu’elle a porté en elle l’un des principaux ingrédients qui ont produit le coup d’Etat du 24 décembre 1999 », témoigne M. Houdin. En effet, en février 1999, Hamed Bassam manque d’être arrêté par le pouvoir Bédié, qui s’inquiète de sa puissance financière. Il réussit à s’enfuir au Mali, avec la complicité du DG de la Police de l’époque Attoh Nagui, et part en France.
Ayant perdu et CI Télécom et ASH qui perd un autre gros contrat en Gambie, il décide de faire tomber Bédié raconte Bernard Houdin. « La machine du coup d’Etat à venir se met alors en marche », dit-il. Lorsque Houdin rencontre son patron Hamed Bassam en septembre 1999 à Paris, ce dernier lui déclare: « Je serai au Palais à Noel, le Monsieur (Bédié) ne sera plus là à Noel ».
Houdin explique donc avoir assisté à plusieurs réunions des préparatifs du coup d’Etat de 1999. Il raconte l’une qui implique le couple Ouattara. « Un jour de novembre 1999, alors que je viens chercher Hamed Bassam à la sortie d’une réunion qui s’est tenue au 140, avenue Victor-Hugo à Paris, dans l’appartement de l’épouse de Ouattara en France, celui-ci me fait part d’un souci crucial portant sur l’avenir du projet », conte Houdin.
« A cette réunion, les généraux Abdoulaye Coulibaly et Lansana Palenfo, les deux piliers militaires des pro-Ouattara dans l’affaire, veulent imposer leur mentor à l’issue du coup d’Etat, provoquant la colère de leurs complices, en particulier Hamed Bassam, peu pressé de voir Ouattara, à qui il a tenu tête à l’époque d’Houphouët-Boigny, se retrouver au haut niveau de l’Etat », révèle Houdin.
Mais le 22 décembre 1999, Hamed Bassam est frileux car il pense que le discours que Bédié doit prononcer peut faire avorter le coup. Bernard Houdin indique c’est lui qui le calme en lui disant que Bédié ne fera rien et qu’il durcira au contraire son discours. Ce fut le cas.
Deux jours après, les caporaux Sévédé, Omar Diarrassouba dit Zaga-Zaga et Issa Touré attaquent la résidence du Général Marius Thautui pour prendre les clés des poudrières de l’armée de terre. C’est parti pour le coup d’Etat qui fera tomber Bédié, le 24 décembre 1999. Le 27 décembre, Hamed Bassam euphorique rentre sur Abidjan.
« La veille il m’a convoqué à son domicile parisien pour me faire lire la déclaration qu’il veut faire lire à un bureau politique constitué de quelques dirigeants PDCI en liberté (…) il est bien décidé à tirer toutes les dividendes de son engament personnel, humain et financier pour faire tomber Bédié qui a voulu le détruire en récupérant le PDCI pour son profit personnel », raconte encore Bernard Houdin.
Ce que Hamed Bassam ne sait pas c’est que Ouattara aussi ne veut pas se laisser compter. Il avait dit en septembre qu’il frapperait le régime Bédié au moment opportun. C’était désormais chose faite. Quand il doit arriver le 29 décembre 1999, un curieux fax de Air France crée la polémique car il indique selon Houdin que « le futur président de la Côte d’Ivoire » est sur son vol. La junte militaire va vite démentir cette information.
Au final, ni Alassane Ouattara ni Hamed Bassam Traoré ne vont bénéficier immédiatement du coup d’Etat de 1999. La farouche bataille que vont se livrer le FPI, le RDR et l’intrusion de dernière minute du Général Guéi vont anéantir les ambitions cachées d’Hamed Bassam. En 2000, Laurent Gbagbo remporte les élections et prend le pouvoir.
Le 8 janvier 2001, une tentative de coup d’Etat échoue contre Gbagbo. Alassane Ouattara est encore accusé d’en être le commanditaire avec pour exécutant le fameux Ibrahim Coulibaly dit IB. Mais des écoutes téléphoniques indiquent que Hamed Bassam est aussi impliqué. Encore. Arrêté, il est jugé et condamné en juin 2002 à 20 ans de prison.
Depuis lors, la Côte d’Ivoire a changé. Guéi est mort, Gbagbo est tombé, Bédié est un opposant et rumine son éviction il y a 21 ans et Alassane Ouattara est président…