Côte d’Ivoire-Retour de Gbagbo et Blé Goudé/ Ouattara cherche à isoler Soro Guillaume
C’était l’information essentielle de l’actualité politique ivoirienne du 7 avril 2021 en Côte d’Ivoire : Ouattara accepte enfin que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé rentrent en Côte d’Ivoire. Cette déclaration saluée ici et là cache aussi une habile manœuvre de politique politicienne.
Alassane Ouattara a déclaré le mercredi 7 mars que Gbagbo et Blé Goudé sont libres de rentrer en Côte d’Ivoire. L’État ivoirien s’engagerait même à assurer les frais de voyage de Gbagbo et des membres de sa famille. La nouvelle a été accueillie avec enthousiasme dans plusieurs milieux. Même si la matérialisation concrète de cette déclaration reste à voir.
A l’analyse, Ouattara ne pouvait plus continuer à durcir le ton et à ruser sur le retour de Gbagbo et Blé Goudé, acquittés par la Cour Pénale Internationale, en appel. La CPI a même demandé dans sa décision que les mesures soient prises pour leur retour sécurisé en Côte d’Ivoire. En outre, Ouattara avait aussi la pression de la France.
En effet, en échange du parrainage, du moins de l’adoubement du 3e mandat controversé, Macron avait enjoint Ouattara de poser des actes forts sur la question de la réconciliation. Il avait signifié dans une interview à Jeune Afrique que Ouattara devait faire un pas sur le cas de Laurent Gbagbo, notamment. C’est ce qui est en train d’être fait.
Mais derrière cette contrainte politique internationale, Ouattara peut en tirer aussi un bénéfice éminemment politique. En effet, s’il est aujourd’hui coincé avec le cas Gbagbo-Blé Goudé, Ouattara est très heureux de retourner cette sorte frustration sur son ennemi numéro 1 aujourd’hui : Guillaume Soro.
En déroulant le tapis rouge à Gbagbo et Blé Goudé, Ouattara isole Guillaume Soro de deux leaders de l’opposition, avec lesquels les relations bien que timides ne sont pas forcément inexistantes. Mieux, elles tendent à se réchauffer ces derniers temps. Tant qu’ils étaient tous hors de la Côte d’Ivoire, Gbagbo, Blé et Soro avaient une sorte de « destin commun ».
Rentrés au pays et ayant toujours l’épée de Damoclès des 20 ans de prison sur leurs têtes, Gbagbo et Blé se garderaient bien d’évoquer leurs atomes crochus avec l’ennemi de Ouattara. Car à Abidjan, Ouattara se donnera certainement les moyens d’écouter toutes leurs conversations et les surveiller comme du lait au feu.
Dans la nouvelle configuration politique qui s’annonce, Ouattara peut donc isoler Guillaume Soro et même le brouiller avec ses amis de l’opposition. Un Soro, sans député, avec des proches en prison, un parti qui se cherche avec son leader en exil peut-il peser sur la scène politique local, sans un arrimage fort avec Gbagbo, Bédié et Blé Goudé ? C’est le combat secret qu’il va peut-être livrer contre Ouattara.