Côte d’Ivoire-Procès de Laurent Gbagbo: Le Général Mangou dément l’implication de ses forces dans les tueries d’Abobo
Présent pendant quatre jours à la Cour pénale internationale (CPI) pour apporter son témoignage dans le procès de l’ancien chef d’État ivoirien Laurent Gbagbo et de son bras droit Charles Blé Goudé, le général Philippe Mangou, ex-chef d’état-major des armées ivoiriennes, est revenu ce jeudi 28 septembre sur la question des mercenaires et des miliciens, utilisés par le camp Gbagbo, ainsi que sur la répression de certaines manifestations des partisans d’Alassane Ouattara lors de la crise post-électorale.
Tirs de mortiers
Concernant les tirs au mortier, le Général Mangou donne certaines informations qui laissent penser que les dirigeants militaires et politique du camp Gbagbo n’étaient pas au courant de tous les détails.
Lorsque le président Laurent Gbagbo a su que des obus avaient été utilisés, il a posé des questions sur comment cela s’est passé. Et nous lui avons donné la réponse. Mais nous-mêmes, nous n’étions pas sur les lieux pour lui donner l’ampleur des dégâts, savoir si des gens ont été tués ou si des maisons ont été détruites. Je ne peux savoir où exactement le mortier est tombé, puisque je n’étais pas sur le terrain. Je n’ai pas été informé parce que je n’ai pas autorisé de tir de mortier 60. Le mortier 60, c’est une arme d’infanterie, donc le commandant de l’unité peut l’utiliser sans autorisation du chef d’état-major des armées
. dit-il avant de poursuivre
Par contre ce que je sais du mortier de 120 dont j’ai autorisé le tir, j’ai demandé qu’on le réintègre parce qu’il pèse à lui seul 600 kg. C’est une arme impressionnante, qui est généralement utilisée en arrière de l’ennemi. Or là, ce qu’on recherchait, c’était de montrer l’arme à l’ennemi, de lui faire voir les effets. À l’issue du coup, on l’a réintégré.
Tuerie des sept femmes d’Abobo
Concernant les fameuses tueries des femmes d’Abobo, l’ex-chef d’état major des FDS reste ferme, les auteurs des tueries ne sont pas ses hommes.
J’ai été informé par deux personnes (de la mort de femmes à Abobo, lors d’une manifestation de l’opposition). La première personne était des forces impartiales. La seconde personne était le ministre de la Défense. Il m’a appelé pour me demander si nos éléments avaient effectué des tirs sur des femmes. La première chose que j’ai faite, c’est d’appeler le général Detoh pour lui demander s’il était informé de ce qui s’était passé à Abobo. Il m’a répondu non. Je lui ai demandé également s’il a été informé que nos hommes ont tiré sur des femmes à Abobo. Il m’a dit non. Donc je suis parti voir le ministre de la Défense pour lui dire que suite à une enquête interne que nous avons menée, nos hommes n’ont pas effectué de tirs sur des femmes. (…) J’ai demandé au général Detho Letoh de mener des investigations afin de me faire un compte rendu. Les faits ici se sont produits le 3 mars. À cette date, nos éléments étaient au camp commando. Quand il s’est renseigné, on n’a pas été attaqué ce jour-là. Donc ce qui s’est passé avec les femmes, ce n’était pas nos hommes.
Mercenaires et miliciens
Pour la question des recrutements, le Général donne sa version des faits.
Quand Blé Goudé arrive à ma résidence, il explique le projet d’appel qu’il a lancé aux jeunes. Il m’était impossible de repartir à la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne, télé publique, NDLR) pour démentir l’appel. Donc on attend parce que le 20 mars, c’était dimanche. On attend donc lundi 21. Lundi 21 à 7 heures 30 minutes, j’arrive à l’état-major, il y a du monde. C’est plein. La cérémonie devrait commencer à 9 heures mais j’ai refusé de partir. C’est mon chef de la division ressources humaines, l’amiral Allah, qui est venu me voir pour me dire : ‘Mon général, les jeunes vous réclament. Ils veulent que vous leur parliez. Il y a vraiment du monde et par souci sécuritaire, je souhaite que vous leur parliez, parce qu’il se pourrait qu’il y ait des infiltrés’. Il m’a dit que l’état-major étant un lieu stratégique, s’il y a une attaque qui part de là, ce ne serait pas bien.
« Blé Goudé s’est approché de moi et m’a dit qu’il faut qu’on fasse semblant de distribuer les armes aux jeunes »
Philippe Mangou se veut assez clair sur le sujet, il a certes reçu des jeunes volontaires à intégrer l’armée ivoirienne mais jamais il n’a distribué des armes « Donc je suis allé et j’ai parlé aux jeunes. Je leur ai dit que je les saluais. Je les félicitais pour leur engagement à vouloir défendre l’intégrité du territoire. Mais que je ne leur remettrai des armes que si le dernier soldat des FDS (Forces de défense et de sécurité, NDLR) serait tombé. Blé Goudé s’est approché de moi»