Côte d’Ivoire-Musique/ Lougah François, 24 ans après sa mort, que devient « La vie de Lougah »?
Le 21 décembre 1996, cinq mois après le décès du Roi du Polihet Gnaoré Djimi, la Côte d’Ivoire perdait l’une de ses virtuoses, l’un de ses plus grands artistes de tous les temps: Lougah François. Retour sur la vie et la carrière de l’homme qui a été le père du « Boucan » avant Douk Saga et de qui provient l’expression « mener la vie de Lougah ».
24 ans déjà que Dago Lougah François, alias Lougah François quittait le monde des vivants dans des conditions de précarité qui laissent encore de tristes souvenirs à ses fans. Lougah François faisait partie de la crème du gotha artistique ivoirien des années 70-80. Il a apporté à la musique ivoirienne cette touche qu’aucun de ses contemporains n’a pu égaler.
Lougah François, c’était un savant dosage de cordes vocales qui exhalaient une musique langoureuse qui parlait au tréfond de l’âme. C’était ce crooner qui avec Bailly Spinto ont démontré que la musique n’avait pas de frontière et qu’on pouvait chanter dans sa langue maternelle et pénétrer les dédales auditifs de tout humain.
Mais Lougah, c’était en bonus, en cerise sur le gâteau, en must, cette appétence à bien se vêtir à la limite de l’extravagance. Avec ses cheveux gominés, Lougah François en imposait par sa stature et son statut de maitre de la parole. Né en 1942 à Lakota (Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire), Lougah arrête ses études en classe de quatrième et part pour la France en 1958.
Là-bas, il s’inscrit à l’École française de maçonnerie et de briqueterie de la rue Lambert à Paris. Il y décroche un CAP en bâtiment en 1961. Cependant, il est tenté de se rconvertir footballeur professionnel à Aubervilliers. Ce n’est pas trop ça. C’est surtout un certain Philippe Brunet, promoteur de spectacles et de cinéma qui va lui indiquer sa vraie et véritable vocation.
De technicien en bâtiment, Lougah va se plonger dans le monde de l’art. Il joue dans certains films dont « Shaka » de Roger Kahan. Sa diction et sa voix chatoyante vont amener Philippe Brunet à le présenter à un musicien Bruno Coquatrix. Ce dernier va le former au piano. Lougah entre alors dans la musique avec le « Trio Midiloms » et « les Cocoblicos », ses premiers groupes musicaux.
Son séjour français lui permet de côtoyer des sommités du show-business et il en prend du grade. Quand Lougah rentre en Côte d’Ivoire, c’est avec un style totalement occidentalisé qu’il débarque et éblouit. Lougah, c’est le showman qui allie prestance scénique et envolées lyriques mélodieuses. Il s’impose comme l’artiste qui ne lésine pas sur les moyens pour être bien vêtu.
Celui qu’on surnommait le « Papa National » a donc eu la réputation d’avoir privilégié son apparence extérieure à sa vie en tant que telle. Lorsqu’il tombe malade, se retrouve à Abobo et qu’un SOS est lancé pour lui venir en aide, ses contempteurs disent alors qu’il a vécu sans économiser. Il a vécu « La vie de Lougah », c’est à dire dans l’insouciance.
Pour beaucoup, il est l’ancêtre des « Boucantiers » Ivoiriens qui ont créé le Coupé-décalé. Eu x comme lui ont pour point commun l’inclinaison de bien s’habiller et prendre soin de soi.
Les artistes Yodé et Siro lui dédieront une chanson pour le réhabiliter, mettant en avant sa gentillesse qui n’a pas été reconnue par ceux qu’il a aidés. Sur le plan musical, on retient de Lougah François, ses prestations endiablées devant le Président Houphouët-Boigny et plusieurs Chefs d’Etat africains.
On retient cette chanson langoureuse pour Tshala Muana, la déesse Congolaise du Mutuashi dont il était follement amoureux. Mais, Lougah François, c’est aussi et surtout ce duel au sommet contre son concurrent direct, un certain Bailly Spinto. Ce duel, une lumineuse idée de feu Mamadou Ben Soumahoro alors DG de la RTI reste dans les mémoires.
Ce jour, en 1983, à l’Hôtel Ivoire, les deux hommes montrent toute l’étendue de leur talent. Mais Lougah est donné vainqueur par la majorité des mélomanes. Au plan discographique, Lougah a laissé à la postérité des chansons immortelles. Dans ce registre, on peut citer « Kouglizia », « Glokali Zaza », « Kouho-Kouho », « Pecoussa », Toigny », « Nawoyi ».
Il décède le 21 décembre 1996, dans des conditions difficiles. Sa tombe abandonnée à Lakota, sa ville natale, a été réhabilitée par l’ex-ministre Désiré Dallo lors du magistère de Laurent Gbagbo entre 2000 et 2010.