Pour parvenir à infléchir la posture d’Alassane Ouattara de s’inscrire dans la course à la présidentielle, l’opposition ivoirienne cornaquée par le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI ) a lancé dernièrement un mot d’ordre de désobéissance civile. Une dizaine de jours plus tard, ce mot d’ordre a viré au fiasco. Même si elle essaie de minorer l’impact de cet échec, pour l’opposition ivoirienne, c’est l’heure de la remise en cause dans ce combat contre le troisième mandat de Ouattara.
Pourquoi le mot d’ordre de désobéissance civile lancé par les partis politiques et groupements de la société civile opposés à la candidature du chef de l’Etat Alassane Ouattara n’est pas suivi ni à Abidjan ni à l’intérieur du pays ? Lancinante question qui pourrait être un indicateur de l’impact actuel des dirigeants de l’opposition sur leurs partisans.
« Un seul mot d’ordre irréversible: la désobéissance civile » avait clamé le Président du plus vieux parti de Côte d’Ivoire dans une salle bondé qui a acclamé ce qu’elle qualifiait de prise de responsabilité des dirigeants de l’opposition. Mais, il semble bien qu’il y ait eu un fossé abyssale entre les cris enthousiasmés dans la salle climatisée du siège du PDCI et la réalité implacable du terrain politique.
En effet, dans l’exécution du mot de désobéissance civile, l’opposition a essuyé un cuisant échec. Personne n’a suivi, même les militants de l’opposition. Ce fiasco a fait réagir et le Secrétaire exécutif du PDCI et Guillaume Soro.
Commentant cette situation raillée par le parti au pouvoir, Maurice Kacou Guikahué a, le 26 septembre, demandé » aux militants de l’opposition de rester mobilisés. Ils avaient demandé un mot d’ordre au Président BÉDIÉ, qui a lancé le mot d’ordre de désobéissance civile » . Et face au constat d’échec, Guikahué indique que » Dans les jours qui viennent, on va mettre ce mot d’ordre en application. Donc, qu’ils restent à l’écoute, qu’ils se préparent.»
» Qu’ils se préparent « , le mot est lâché. Une des explications de l’échec de l’opposition par rapport à son mot d’ordre de désobéissance civile peut se trouver dans l’impréparation dont les leaders de l’opposition ont fait montre. D’ailleurs, cela se vérifie, puisque au lendemain de la sortie de Guikahué, Guillaume Soro déclarait sur Afrique Média: « L’opposition va tenir une réunion pour mettre en place un comité de pilotage qui sera chargé de mettre en œuvre l’appel à la désobéissance civile ».
C’est un truisme: l’opposition a lancé le mot d’ordre de désobéissance civile sans démarche stratégique. La désobéissance civile qui est opérante dans les sociétés aux hauts standards démocratiques implique aussi d’avoir une population éduquée à vraiment ce mode de protestation pacifique.
Parce que, primo, vu qu’elle implique d’accepter consciemment d’en subir les effets collatéraux, il était illusoire de croire que des Ivoiriens lessivés par le coût économique de la COVID-19, pouvaient sans y être contraints, décider de ne pas se rendre au travail à quelques jours de la fin du mois. En pleine période de rentrée scolaire. Que dire alors des travailleurs du privé si ceux de la fonction publique ne se sont pas sentis concernés ? Cela est d’un.
Deuxio, au sein des militants de l’opposition, le passé non militant du Président Bédié concernant les revendications démocratiques en Côte d’Ivoire est un frein à l’engouement à suivre une désobéissance civile dont les conséquences sur son vécu quotidien sont difficilement perceptibles. Dans l’esprit de certains militants de l’opposition, Bédié dont l’un des fils demeure un haut cadre de la Primature n’est pas prêt à un vrai sacrifice dont le choix de la désobéissance civile.
De fait, dans sa forme actuelle, la désobéissance civile lancée par le Président Bédié au nom de l’opposition ressemble plus à une « opposition de salon », moins contraignante en termes de responsabilités pour les leaders, au moment où des responsables de la société civile qui ont clairement appelé à manifester contre le troisième mandat sont en prison.
Tertio, le silence inhibant de Laurent Gbagbo complique énormément la tâche à l’opposition. Claquemuré dans un silence inextricable depuis son acquittement le 19 janvier 2019 dans son procès à la Haye, l’ombre de l’ex-président plane sur les décisions de l’opposition. Nombreux sont ses partisans qui attendent une parole, une sorte de « mot d’ordre » de Laurent Gbagbo pour s’impliquer véritablement sur le terrain.
Or plus l’homme tarde à donner » un signe de vie « , plus s’installe parmi ses partisans, même les plus farouches, un doute et une forme de lassitude. Même si son porte-parole Koné Katinan a démenti les allégations d’un présumé deal entre Gbagbo et Ouattara, sur sa neutralité dans la présidentielle, le silence de Laurent Gbagbo n’arrange pas les affaires de l’opposition.
Pendant ce temps, Guillaume Soro s’organise tactiquement pour prendre le leadership de cette opposition hétéroclite depuis la France. Un positionnement qui n’est pas forcément vu d’un bon œil au sein d’une partie des leaders de l’opposition. Autant de questions à solutionner avant d’affronter Ouattara, un adversaire déterminé à combattre.