Canada: Une criminologue fait des révélations sur la prostitution et l’esclavage sexuel
Criminologue bien connue dans les universités canadiennes, Maria Mourani a récemment pris part au Québec à une importante commission parlementaire dont le but est «d’établir un portrait de l’exploitation sexuelle des mineurs au Québec, y compris les conséquences sur le passage à la vie adulte».
D’après Maria Mourani, la prostitution et l’exploitation sexuel sont bien réels au Canada, ce pays réputé comme une terre paisible dans le Nord de l’Amérique. Selon cette universitaire, au moins 80% des prostituées au Canada débutent alors qu’elles sont encore mineures:
«L’exploitation sexuelle au Canada est loin d’être un nouveau phénomène. Mais tant mieux si cette commission fait en sorte que nous recommencions à en parler. Nous avons banalisé, voire normalisé le discours sur la prostitution dans les pays occidentaux. Même certaines féministes ont contribué à cette banalisation. C’est un milieu extrêmement violent et inimaginable dans un pays comme le Canada», a-t-elle d’abord réagi au micro de Sputnik.
Maria Mourani a indiqué par exemple que le phénomène n’est pas nouveau et n’a pas diminué ces dernières années. Elle rappelle d’ailleurs qu’au moins 11% des hommes canadiens font régulièrement appel aux services d’une prostituée, majeure ou mineure.
«On estime à 40% le nombre de prostituées mineures au Canada. Il faut toutefois noter une chose importante: les données que nous avons sont partielles. Nous ne parlons que des victimes détectées et non des victimes réelles. Il y a donc beaucoup plus de victimes que les chiffres ne le prétendent», a expliqué Maria Mourani.
Sur les principaux facteurs qui contribuent à l’expansion d’un tel phénomène, la criminologue a indiqué qu’il y a le tourisme et les grands événements comme les spectacles et les congrès.
« Si on compare le Canada avec des pays qui ont le même statut juridique, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un important pays de recrutement de tourisme sexuel et de transit des femmes vers les États-Unis. C’est assez majeur. […] Vancouver, Toronto, Montréal et Québec sont des villes reconnues pour abriter des réseaux de prostituteurs. À l’échelle canadienne, les provinces du Québec, de l’Ontario et de Colombie-Britannique sont des plaques tournantes. Au Canada, Montréal est la Bangkok de l’Est », observe-t-elle.
«Les filles sont appelées à se déplacer au gré de l’offre et la demande. Dans les villes où il y a beaucoup d’effervescence touristique, il y a des filles qui sont restées sur place, mais aussi des filles qui viennent d’autres villes et provinces. […] De la même manière que les Québécois des régions vont apprécier les femmes noires et asiatiques, les Canadiens anglais vont aimer les femmes francophones. La prostitution est aussi un système qui fait appel à un imaginaire raciste», s’est indignée Mme Mourani.
«Le concept d’esclavage sexuel est maintenant celui que l’on emploie pour parler de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle. C’est la nouvelle forme d’esclavage […] Les filles ne sont pas traitées comme des princesses…. Les victimes n’ont aucun droit: elles sont traitées comme des esclaves sexuelles. Les sévices sont incroyables. On parle de séquestration, de viols collectifs, de cas de torture, etc. Les proxénètes sont très imaginatifs pour instaurer la terreur», déplore-t-elle.
Pour enrayer le phénomène, Maria Mourani estime que les autorités doivent davantage viser les clients. Même s’il n’est pas illégal d’offrir ses propres services sexuels, il est tout de même interdit d’en acheter.
«Il faut s’attaquer aux clients, en particulier à ceux qui demandent des mineurs. Ces clients sont des pédophiles qui agressent des enfants et adolescents par le biais de la prostitution. Au lieu de simplement porter des accusations pour achat de services sexuels, il faudrait aussi les inculper pour agression sexuelle sur personne mineure. C’est ce que je vais proposer à la commission», a conclu Maria Mourani.
Avec une loi plus rigide contre les demandes des services sexuels, le phénomène pourra être enrayé.
Crédit photo: sputniknews