Brexit – Les Africains doivent-ils être inquiets ?
Après la sortie programmée du Royaume-Uni de l’Union européenne, Boris Johnson, l’un des acteurs du « Leave » britannique, connu par ailleurs pour ses propos controversés sur l’Afrique, vient d’être nommé ministre des Affaires étrangères. Cela ne risque-t-il pas d’affecter encore un peu plus les relations entre le Royaume-Uni et le continent africain ? Voici la question qui a été posée par Jeune Afrique au Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique depuis 2012, Carlos Lopes.
En marge du Conseil exécutif du 27e sommet de l’Union africaine (UA), qui s’est tenu à Kigali les 13 et 14 juillet, Carlos Lopes a accordé un entretien à Jeune Afrique dans lequel il confiait que le Brexit est une vraie préoccupation pour le continent.
Certains pays comme le Ghana, le Kenya et l’Afrique du Sud, sont particulièrement liés à la Grande-Bretagne. Mais la nomination de Boris Johnson qui pourrait être perçue comme un risque d’affectation en l’Afrique et le Royaume-Uni, est récente. Il est encore tôt pour la commenter. « Personnellement, je ne pense pas que la position de tout un pays diffère radicalement avec le changement d’un ministre », ajoute-t-il.
Toutefois, d’un point de vue économique, le Brexit aura forcément des conséquences pour l’Afrique selon lui. Face à l’incertitude quant aux modalités de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la place financière de Londres sera instable pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. L’appétit pour les investissements à risque va diminuer considérablement. L’Afrique en fait partie. Il est donc évident que certains pays du continent africain qui sont de grands partenaires du Royaume-Uni, subissent forcément les conséquences de l’instabilité britannique. Enfin, certaines monnaies africaines, qui ont déjà perdu 30% de leur valeur depuis deux ans, vont connaître un surcroît de volatilité et de spéculation.
Quant à savoir si le Brexit et la nomination de Johnson, symbolisaient la victoire du populisme, une tendance à l’œuvre dans d’autres pays européens, Carlos Lopes a souligné son inquiétude. « Je suis inquiet pour les Africains, et particulièrement les migrants africains », déclare-t-il. Les migrants sont mal perçus en Europe, alors qu’ils sont finalement peu nombreux : les Africains représentent 8,5% des migrants au niveau mondial, dont une grande majorité émigre en Afrique. En Europe, ils sont aujourd’hui 9 millions. Sur une population d’un milliard, dans un continent pauvre, c’est en fait très peu, ajoute-t-il.
Les mouvements populistes ne tiennent pas compte de ces détails et privilégient un discours xénophobe, un discours de haine et de peur. L’Afrique est, elle aussi responsable car elle n’a pas encore su discuter de ce problème, pense-t-il. Mais cette discussion aura lieu, selon Carlos Lopes qui affiche son optimisme sur la question. Les ministres des Finances, de l’Économie et de la Planification du continent africain ont décidé de mettre en place une commission spéciale pour préparer une stratégie sur l’émigration. Elle verra le jour très prochainement.