Au Congo Brazzaville, la mort de 13 jeunes hommes dans un commissariat inquiète. Alors que le drame a été nié par le porte-parole du gouvernement, une Ong congolaise pointe du doigt la police. Ce qui pousse l’opposition à exiger la démission du ministre de la communication mais aussi du procureur. Avec autant de pression, les autorités ont été obligées à ouvrir une enquête pour faire lumière sur cette affaire.
La police indexée par une Ong
Pour l’heure, la police congolaise est accusée par une Ong locale d’être à l’origine du massacre. «Une vingtaine de jeunes avaient été interpellés, dont seize ont été placés en garde à vue au commissariat de Chacona. Dans la nuit du 22 au 23 juillet, treize d’entre eux y ont trouvé la mort», s’est exprimé le ministre Raymond-Zéphirin Mboulou, après une semaine de contradiction.
Pourtant, le porte-parole du gouvernement Thierry Moungalla s’était prononcé sur la question pour dire qu’il « ne s’est rien passé au commissariat».
Du côté de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (Ocdh), le directeur exécutif Trésor Nzila avait confié à l’Afp que «c’est une exaction de la police». «De façon anonyme, même des policiers nous ont témoigné que certains corps baignaient dans le sang», a t-il affirmé.
Pour sa part, le procureur de la République André Ndakala Oko avait d’abord parlé d’un règlement de compte entre bandes, en indiquant, dans un communiqué qu’un groupe de bandits appelés “Bébés noirs” se sont affrontés avec des armes.
Pourtant, les familles des victimes ont tenu un tout autre discours. «Nos enfants tués n’ont jamais été des bandits. Le mien par exemple (âgé de 19 ans) attendait les résultats du Baccalauréat», s’est prononcé le père d’une victime sous couvert d’anonymat.
Pour évoquer les circonstances de leur arrestation, le ministre de l’Intérieur, a fait savoir que les jeunes ont été interpellés après le «décès tragique le 9 juillet d’un citoyen nommé Julien Obongo», quand «la police a organisé une opération spéciale dans ce quartier pour traquer les délinquants».
A en croire un sous-officier, ils étaient toujours en vie le soir du 21 juillet. «Ces jeunes ont été conduits ici samedi par les éléments de la police du commissariat central de Kibeliba. Ils ont passé la nuit de samedi à dimanche dernier dans le calme.» Par ailleurs, il fait savoir que : «dimanche, c’est une autre équipe qui nous a relevés. Et lundi tôt le matin, quand nous sommes arrivés, nous avons constaté que le commissaire n’était pas à son poste. De la cellule où se trouvaient les jeunes garçons en garde à vue se dégageait une odeur bizarre, insupportable. Quand la secrétaire des lieux a ouvert la cellule, nous avons constaté qu’il y avait treize cadavres.» Le sous-officier s’est alors demandé : «Ont-ils été torturés par nos collègues ? Sont-ils morts étouffés ou asphyxiés ? (…) Notre commissaire a été relevé de ses fonctions et aussitôt remplacé. Depuis le drame, nous défilons tous à l’Inspection générale de la police où nous sommes écoutés dans le cadre d’une enquête ouverte par les autorités.»
Autres témoignages, ceux des habitants et des familles des victimes. «Pendant une bonne partie de la nuit de dimanche à lundi, on entendait des cris de douleur venant de l’intérieur du commissariat de Chacona», raconte Anicette. «La veille du drame, j’avais apporté à manger à mon neveu. Promesse m’a été faite de le libérer le lendemain. Hélas, j’ai retrouvé son corps dans une morgue», se désole Jeannot Hombessa, oncle d’une victime.
«L’Ocdh demande une enquête administrative et judiciaire indépendante. Nous allons envoyer aux Nations unies un courrier pour demander une expertise médicale, c’est-à-dire une autopsie sur les corps», a fait savoir M. Nzila de l’Ong.
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