Il y a un an, le président ghanéen Nana Akufo-Addo est devenu le premier dirigeant africain à être invité à une visite d’État en Suisse en 60 ans environ. Mais sa visite n’aurait pas porté de fruits comme son hôte l’aurait souhaité, puisqu’il a annoncé que son pays allait bientôt mettre fin au processus de vente de matières premières à des partenaires commerciaux en vue d’une valorisation ultérieure.
Bien que la visite d’Akufo-Addo remonte à environ 12 mois, les détails de son annonce ont été ravivés par les conversations suscitées par les récents obstacles posés par les pays riches à une proposition de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette proposition aurait permis de produire des vaccins contre le coronavirus en grande quantité et à grande échelle dans d’autres pays si les sociétés pharmaceutiques pouvaient renoncer aux revendications de propriété intellectuelle.
Les pays riches, comme ceux de l’Union européenne et les États-Unis, ont bloqué cette proposition, même si, en termes de chiffres globaux, ils sont minoritaires. La déclaration d’Akufo-Addo au Conseil fédéral suisse est considérée par de nombreux observateurs pro-africains et panafricanistes comme une voie possible par laquelle l’Afrique peut gagner en matière de commerce sur la scène mondiale.
La volonté du Ghana de limiter ses exportations de matières premières est un objectif indépendant de ce qui se passe avec la proposition de l’OMC sur les vaccins COVID-19. Ce programme a même été défini avant la pandémie, ce qui nous oblige à le comprendre dans le contexte des ambitions de développement du Ghana.
L’une des matières premières que le Ghana ne cherche plus à exporter est la fève de cacao, une denrée dont le pays est le deuxième producteur mondial après la Côte d’Ivoire. La Suisse, grand fabricant de chocolats, achète son cacao aux deux voisins ouest-africains, bien que le Ghana soit le premier partenaire commercial de la Suisse en Afrique subsaharienne.
Le Président Akufo-Addo avait déclaré au Conseil fédéral suisse, alors dirigé par le président Simmoneta Sommaruga :
« Le Ghana est actuellement le plus grand partenaire commercial de la Suisse en Afrique subsaharienne, en grande partie grâce à l’exportation d’or et de cacao vers la Suisse et à l’importation de produits chimiques et pharmaceutiques… Toutefois, comme je l’ai déclaré à de nombreuses reprises, le Ghana ne veut plus être dépendant de la production et de l’exportation de matières premières, notamment de fèves de cacao. Nous avons l’intention de transformer de plus en plus de notre cacao dans notre pays, dans le but de produire nous-mêmes davantage de chocolat. »
L’année dernière, le Ghana et la Côte d’Ivoire ont tous suspendu la vente de cacao à des fabricants américains, accusant les géants américains de la confiserie Hershey’s et Mars d’éviter de verser une prime qui contribuerait à améliorer le sort économique des agriculteurs pauvres.
Le Conseil du café-cacao (CCC) et le Ghana Cocoa Board (Cocobod) ont déclaré dans un communiqué que les deux plus grands vendeurs de chocolat au monde ne payaient pas le Différentiel de revenu vital (LID).
Le LID donne aux producteurs de cacao une prime de 400 dollars par tonne en plus du prix du marché et est censé protéger de nombreux agriculteurs qui vivent dans la pauvreté. Le LID de 400 dollars par tonne sur les ventes de cacao pour la saison 2020/2021 a été introduit par les nations d’Afrique de l’Ouest l’année dernière.
Avec l’évolution du Ghana vers la transformation de son propre cacao, le monde, et pas seulement la Suisse, va connaître une pénurie massive puisque le Ghana est responsable de la production d’environ 45 % du cacao mondial.
Dans ces conditions, on comprend que la promesse d’Akufo-Addo au peuple suisse, qui est l’un des plus grands producteurs de chocolat au monde, s’inscrit dans la trajectoire des espoirs de ceux qui veulent le bien de l’Afrique.
Crédit photo : easybranches